Michèle Bromet-Camou

Psychologue clinicienne, psychothérapeute, formatrice en psychogénéalogie et en psychodrame

Du trauma au traumatisme

Ce qui est traumatique n’est pas ce qui se passe dans la réalité, c’est-à-dire les évènements traversés, mais la manière dont nous les vivons ou plus précisément la manière dont nous les élaborons et dont le monde nous les renvoie.
Boris Cyrulnik (2002) prolonge la pensée d’Anna Freud, en distinguant le trauma : coup porté dans le réel, du traumatisme : coup porté dans la représentation du réel. Ainsi nous êtres humains souffririons deux fois, une fois du coup qui nous est porté, du trauma qui nous a laissé sans voix, une seconde fois de la représentation du coup qui nous a été porté.

Comment s’élabore le trauma ?
  • les échos aux traumatismes anciens de la lignée. (Échos verticaux)
Du point de vue de son histoire familiale, de celle qu’il a intégrée, nous pourrions dire que le premier trauma subi par un être humain n’est peut-être jamais vraiment le premier trauma. Il vient souvent réveiller ceux de la génération précédente. L’inconscient possède une mémoire, constituée de sortes de marqueurs. Souvent ce qui est vu comme premier trauma vient recouvrir ces marqueurs de l’histoire. Alors ce qui n’avait pas été élaboré lors du trauma ancien refait surface et explose d’une manière souvent inattendue.
Aux moments des dates anniversaires des traumatismes anciens, le trauma vécu par l’enfant court le risque de devenir traumatisme. L’inconscient se souvient et lorsque la vie, les lieux et la temporalité viennent frapper à proximité du moment où du lieu de l’évènement initial, l’impression liée à ce premier évènement réapparait. Sans le savoir, l’individu se trouve à nouveau transplanté dans cet univers-là et court bien sûr le risque de s’y perdre à nouveau. Tout ceci a la plupart du temps lieu de manière inconsciente.
Qui pleure ou de quoi pleure-t-on au moment des séparations (grandes ou petites (décès, entrée à l’école…) ?
  • les échos aux traumatismes des personnes environnantes (Échos horizontaux).
Plus les liens sont des liens de proximité, plus le risque d’imprégnation, de contagion est bien sûr important. Il se produit souvent une confusion entre la réalité perçue par celui qui subit le trauma (agression, violence…) et ce que va lui renvoyer le monde. Nous adultes, parents, ou enseignants faisons parfois assez rapidement ce « mélange » entre ce qui appartient à l’autre et ce qui nous appartient. Là où l’adulte souffre, l’enfant est par exemple lui aussi supposé souffrir et réciproquement: là où l’enfant souffre, l’adulte n’y voit parfois rien. D’où l’importance du travail en équipe et d’un travail de mise à distance qui permettra d’éviter une projection unique en travaillant avec des « grilles de lecture » différentes.
Nous confondons donc souvent la douleur (le trauma) et la souffrance (ce qui se noue, se projette autour du trauma et qui le fait devenir traumatisme).
Tout cela varie en outre en fonction du moment et de la culture: un évènement ne donnant pas lieu à un traumatisme à une époque va entrainer un tsunami à une autre. (mort de l’enfant en bas âge par ex).
Il est donc important de permettre aux professionnels de l’enfance -dont bien sûr ceux de l’éducation nationale font partie- de se former à l’écoute des enfants qui traversent ces moments particuliers et surtout de prévoir qu’ils soient eux-mêmes entendus et accompagnés lorsqu’ils se retrouvent en première ligne.